Le directeur général des laboratoires SAIPH (Société arabe des industries pharmaceutiques), Ramzi Sandi, a dénoncé, mardi 9 août 2016, le retrait, en "un temps record", des AMM (Autorisations de mise sur le marché des médicaments) de quatre de ses produits fabriqués sous licence et qui représentent, selon lui, plusieurs millions de dinars de ventes annuelles.
"Nous avons aujourd’hui un stock de matières et de produits finis, voués à être détruits puisque les quatre AMM ont été octroyés par le laboratoire Servier à un autre fabricant tunisien, créant ainsi un climat de tensions et de malaise entre les entreprises tunisiennes du médicament", a-t-il regretté lors d’un point de presse tenu à Tunis.
Par conséquent, Sandi appelle les autorités à ouvrir rapidement une enquête "pour déterminer les responsabilités dans cette grave affaire aux retombées désastreuses pour la santé, l’emploi et l’économie du Tunisien, et la crédibilité et l’indépendance de la Tunisie". "Suite à ces agissements, le Conseil d’administration de SAIPH a décidé de porter l’affaire devant la justice surtout que l’entreprise dispose aujourd’hui d’un stock valorisé à 2 430 MDT, dont les matières premières ont été payées par lettre de crédit en devises à Servier par avance", a-t-il précisé.
Il a fait remarquer que les actionnaires de SAIPH ont consenti, en 2014-2015, un investissement de 30 millions de dinars pour doubler les installations industrielles de l’entreprise et ont procédé à une augmentation du capital de 24 millions de dinars. "Une autre augmentation du capital de 27 millions de dinars est prévue par le Conseil d’administration et doit être validée par l’assemblée générale extraordinaire prévue fin août 2016", a-t-il ajouté.
Accusation contre la DPM
Selon Sandi, la DPM (Direction de la Pharmacie et du Médicament) vient de rendre public son nouveau "Guide d’enregistrement des médicaments en Tunisie qui, a-t-il dénoncé, fera date dans les annales en se singularisant de tous les guides d’enregistrement du monde et en ouvrant un Boulevard royal aux multinationales du médicament pour le démantèlement systématique et rapide de l’industrie pharmaceutique nationale, en donnant à ces multinationales la possibilité de retirer quand bon leur semble, les autorisations de fabrication des médicaments sous licence convenues par contrats, en dépit du bon sens et des lois en vigueur en Tunisie et dans le Monde".
"Par ces agissements, la DPM se fait complice des manœuvres douteuses et illégales de la filiale tunisienne de Servier, porte atteinte aux intérêts d’une société nationale dans laquelle l’Etat tunisien détient 10% du capital, fait peser la menace sur 600 emplois directs et menace les moyens de subsistance de milliers de familles en comptant les emplois indirects", a-t-il accusé.
Ramzi Sandi a, en outre, indiqué que Servier a accordé en 2014 et d’une manière contractuelle à SAIPH la fabrication d’un antidiabétique (Diamicron 60) commercialisé en tant que produit princeps en Tunisie. "Un dossier complet d’AMM a été déposé en conséquence à la DPM, depuis plus de deux ans. Il est resté à ce jour sans réponse et le produit continuait pendant tout ce temps à être importé en devises. Essayant de comprendre la logique de continuer à importer un médicament en devises, alors qu’il y avait possibilité de le fabriquer localement, nous avons découvert que ce produit importé continuait à être remboursé intégralement par les Caisses d’assurance maladie, alors qu’il y avait sur le marché un équivalent générique, coûtant 40% moins cher, au prix duquel il aurait dû être remboursé", s'est-il interrogé.
Belgacem Ayari soutient SAIPH
S’exprimant à cette occasion, Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) chargé du secteur privé, a souligné le soutien de l’organisation syndicale à la société SAIPH "qui, malgré les difficultés rencontrées depuis la révolution, n’a licencié aucun salarié, mais au contraire, en a embauché de nouveaux", soulignant qu'"il est inadmissible de mettre l’avenir d’une entreprise qui emploie plus de 600 personnes dans une région connue par un taux de chômage non négligeable en péril".
De son côté, Mokhtar Belaïba, membre du Conseil de l’ordre des pharmaciens, a affirmé que "le Conseil suivra cette affaire de près", estimant qu’il n'y a aucune raison pour retirer les AMM alors qu’il existe déjà un stock de produits.
Que dit le laboratoire Servier?
Dans un communiqué publié mardi, la Direction des laboratoires Servier a indiqué que "ces allégations sont sans aucun fondement et en total décalage avec la réalité", faisant savoir que le Laboratoire Servier a déposé une plainte en pénal contre le représentant légal des laboratoires SAIPH".
Le contrat entre la SAIPH et Servier n’a pas été résilié mais non renouvelé, conformément aux dispositions légales, et suite à des manquements graves de la SAIPH vis-à-vis de ses obligations contractuelles et financières", ajoute le communiqué. "Les médicaments fabriqués par SAIPH ont été en rupture de stock à de nombreuses reprises et ceci pendant plus de 3 ans, affectant ainsi le bon suivi du traitement des patients", précise le communiqué.
"Le laboratoire Servier qui est implanté en Tunisie depuis plus de 15 ans a toujours travaillé dans le strict respect de la réglementation locale et dans le respect de l’éthique pour les patients. Il est donc très grave d’essayer d’impliquer les autorités administratives responsables des autorisations de mise sur le marché et l’accuser de complicité et de favoritisme", indique le laboratoire Servier.
Concernant le Diamicron 60, le communiqué signale que la Direction de la pharmacie et du médicament a traité la demande déposée par SAIPH d’une façon ordinaire puisque la SAIPH n’a pas demandé le traitement en priorité de son dossier au moment du dépôt et après avoir reçu des réserves sur son dossier Diamicron 60, n’a jamais donné suite, empêchant ainsi la progression de l’enregistrement du dossier".