Après avoir nourri des craintes qui tournaient quelque part au mélodrame sur la venue de la mission du Fonds monétaire international, le gouvernement tunisien semble ce vendredi comme soulagé de l’accueillir enfin dans ses murs pour des discussions sur le décaissement de la fameuse 2ème tranche de 350 millions de dollars du prêt de 2,8 milliards $ approuvé le printemps dernier par l’institution de Bretton Woods.
Les membres de cette mission sont arrivés à Tunis et sont déjà à pied d’œuvre pour s’assurer que la Tunisie s’engage résolument à aller de l’avant dans les réformes dont elle a convenu avec le FMI dans le cadre de l’accord de 48 mois au titre du mécanisme élargi de crédit, lequel, faut-il le rappeler, implique des « garanties suffisantes sur la capacité et la volonté du pays membre de mettre en œuvre des réformes structurelles profondes et soutenues ». Pour y avoir failli, Tunis s’est impitoyablement attiré les remontrances puis les foudres du FMI qui a décidé de geler le déboursement de la 2ème tranche et hypothéqué par la même la revue périodique donnant accès aux tranches suivantes. Une mesure qui ne pouvait pas arriver à pire moment alors que la Tunisie, qui raclait déjà les fonds de tiroir, peinait à boucler ses fins de mois, déplorant un déficit budgétaire de 6% du PIB. Mais, il y a plus funeste, par l’effet mécanique de cette mesure, la Tunisie se voit interdire l’accès aux concours des autres institutions financières internationales telles que la Banque mondiale et la BAD et naturellement trouvera les plus grandes difficultés pour solliciter le marché financier international privé en raison, plus est, de sa mauvaise note de la dette.
Une brise d’optimisme
Que faut-il attendre de cette mission de dix jours du FMI ? Visiblement, une brise d’optimisme commence à souffler sur la Kasbah et le ministère des Finances, et ce depuis qu’il a été confirmé par le porte-parole du FMI que cette mission a obtenu le feu vert pour venir en Tunisie. Et une source gouvernementale tunisienne citée vendredi par Reuters a assuré que la tranche de 350 millions de dollars sera décaissée après cette cruciale visite, précédée par une mission d’experts techniques du Fonds dont « l’appréciation est très positive », s’est félicitée la ministre tunisienne des Finances, Lamia Zribi, dans une très récente interview à Africanmanager. C’est sans aucun doute l’indice probant que les choses bougent dans le bon sens au sujet d’une prochaine progression des réformes auxquelles les autorités tunisiennes se sont engagées, sans cependant s’y investir à la cadence voulue et indiquée par le FMI. Des réformes sur la mise en œuvre desquelles le Fonds est intraitable en sommant le gouvernement de « prendre des mesures rapides et fermes en faveur de réformes structurelles qui peuvent être difficiles politiquement et socialement » et en avertissant qu’ « il serait coûteux de rester inactifs ou de tarder à mettre en œuvre les réformes car cela risquerait de compromettre la stabilité macroéconomique préservée jusqu’à présent, et décevoir les aspirations du peuple tunisien ».
Un dogme qui a la vie dure !
Pour l’heure, il ne pourrait s’agir que d’un coup de semonce, et les autorités semblent avoir bien reçu le message. Selon des sources proches du FMI à Tunis, le gouvernement ne doit pas s’attendre à un satisfecit du Fonds qui se bornera à débourser la 2ème tranche uniquement, et ce en guise de bouffée d’oxygène, alors que pour la 3ème tranche, il serait très peu probable qu’une décision positive soit prise lors de la revue d’avril et de la réunion du conseil d’administration du FMI. Parallèlement, le Fonds semble vouloir aider autrement la Tunisie en incluant dans le programme de la présente mission une rencontre avec l’UGTT, sans doute pour la convaincre de faciliter la tâche au gouvernement et ne pas le gêner dans la mise en œuvre des réformes principalement celles ayant trait à la fonction publique, à la masse salariale, au dégraissage des effectifs et aux entreprises publiques. Le FMI y arrivera-t-il, lui qui exige sans sourciller que « la stratégie de réforme de la fonction publique devrait assurer le succès de la réforme et la viabilité des finances publiques, notamment en énonçant clairement la nécessité d’éviter des recrutements inutiles dans un secteur public déjà important, et de ne plus accorder de nouvelles augmentations de salaire ».
Une rigueur qui ressortit, à ce propos comme ailleurs, au dogme invariable du Fonds monétaire international, dictant aux pays membres en difficultés financières des mesures qu’il sait pourtant « coûteuses et douloureuses politiquement et socialement », sans tolérer des issues moins drastiques pour des pays qui, comme la Tunisie et l’Egypte, sont en transition politique et économique. L’heure ne serait-elle pas venue, comme le souligne l’ancien ministre tunisien de l’Economie et des Finances, Hakim Ben Hammouda, pour que le FMI tienne compte de ce statut en se dispensant d’adopter « le même niveau d’exigence qu’avec des pays plus stables qui n’ont pas changé de régime », en accordant, par exemple, des délais plus longs notamment pour la réforme du système bancaire ?