Le rapport annuel de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour l’année 2014 a été rendu public hier, mercredi 8 juillet 2015. Dans son introduction, le gouverneur de la BCT, Chedly Ayari a tenu à préciser que la Tunisie vient d’achever avec succès une période de transition politique difficile, avec la réussite des élections parlementaires et présidentielles, prélude à l’instauration d’institutions démocratiques et la mise en place d’un gouvernement pluraliste issu d’une large majorité parlementaire.
Il a précisé que bien que l’atterrissage en douceur du processus politique post-Révolution a été salué par la communauté internationale et les instances financières mondiales, il devrait ouvrir la voie à une relance à l’investissement et de la croissance jusque là entravée par l’attentisme des opérateurs économiques et leur défiance vis-à-vis d’un climat des affaires fortement altéré et de perspectives pour le moins incertaines, en l’absence d’une vision et d’un cadre de développement à moyen terme pour le pays.
« C’est dans ce contexte que le bilan de l’exercice 2014 ressort, à l’instar de ceux de l’ensemble de la période transitoire, largement en déca des espérances », a indiqué Chedly Ayari, citant une croissance réelle de 2,3% en 2014 (et une moyenne de 1,8% sur la période 2010/2014 contre une prévision initiale de 4,4%), Un taux d’épargne de 13,5%, un taux d’investissement de 19,2% contre des niveaux de plus de 30% pour l’ensemble des pays émergents, une inflation qui demeure élevé (4,9% en moyenne annuelle) malgré un certain recul d’une année à l’autre et des déficits courant et budgétaire de 8,8% et 4,9% du PIB respectivement, dont le financement (et par la même la reconstitution des réserves en devises à des niveaux soutenables) n’a pas pu être assuré qu’aux prix d’un recours massif à la mobilisation de ressources extérieures.
Et de préciser que face à cette situation, les actions politiques économiques, monétaire et budgétaire n’ont pas pu malgré tout et au prix d’une marge de manœuvre de plus en plus réduite qu’atténuer le dérapage des équilibres financiers fondamentaux dont en citera en l’occurrence l’évolution des prix à la consommation, moyennant des interventions de la banque centrale sur le marché monétaire, en déficit de liquidité chronique permettant au secteur bancaire de poursuivre le financement de l’économie sans pour autant affecter son propre bilan et le déficit des finances publiques grâce à un effort de rationalisation des dépenses de compensation.
Selon ses déclarations, les indicateurs économiques relatifs à l’année 2014 reflètent une réalité économique d’autant plus préoccupante que les résultats provisoires du premier trimestre 2015, avec une croissance de 1,7% n’incitent guère à l’optimisme quant au bilan attendu pour l’ensemble de l’année en cours, surtout avec la contreperformance annoncée de la majorité des secteurs d’activités.
« Néanmoins, une prospection de la situation à moyen terme de manière objective se doit d’éviter deux propositions extrêmes : celle nihiliste et catastrophique prônée par des esprits défaitistes annonçant le pire pour le pays et celle partant d’un optimisme béat qui occulte, au mépris de la réalité, les difficultés et obstacles structurels qui hypothèquent sérieusement les chances de redressement de l’économie nationale », lit-on dans le mot de Chedly Ayari.
Dans le même contexte, le gouverneur de la BCT a déclaré que les données disponibles reflètent un état des lieux préoccupant, soulignant, toutefois, que cela ne doit nullement constituer un argument pour se soumettre à la dictature des statistiques, aussi têtues soient-elles, mais plutôt une occasion à saisir par toutes les parties prenantes pour se concentrer en commun sur les défis à relever à court et moyen terme, mettant à profit l’avantage et les chances offerts par la période de grâce procurée par l’état de stabilité politique, et œuvrer à asseoir un pacte social, seul garant d’une gestion apaisée et raisonnée des priorités économiques.
Selon lui, la prise de conscience des défis majeurs que la Tunisie se doit d’affronter à court terme mais aussi à plus long terme, appelle à une réflexion sur un schéma de développement stratégique qui manquait à la Tunisie depuis 2011, en raison des aléas de la période transitoire. Pour ce faire, le projet de schéma macro-économique 2016-2020 peut constituer un cadre général utile pour enclencher une dynamique de relance de la croissance, mais demeure avec un taux de croissance moyen de l’ordre de 4,5% par an, en deçà des exigences d’une inflexion substantielle de la courbe du chômage et surtout de ses composantes par genre et par région.
Cette vison stratégique doit absolument, selon Chedly Ayari, s’appuyer sur un ensemble de reformes profondes touchant les bases légales et organisationnelles de l’activité économique et asseoir une crédibilité vis-à-vis des opérateurs économiques nationaux et aussi des partenaires/investisseurs/ bailleurs de fonds étrangers par la mise en vigueur des réformes engagées pour l’année 2015 en l’occurrence celles portant sur le nouveau code des investissements, le système fiscal, le secteur financier, le partenariat public privé et les procédures collectives.
Kh.T