La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a récemment décidé d’augmenter son taux directeur de 50 points, pour atteindre 4,75% et de relever aussi le taux minimum de rémunération de l’épargne de 50 points, à 4%. L’objectif est de réduire les risques de pressions inflationnistes, encourager l’épargne et favoriser par conséquent le renforcement des liquidités. Des mesures qui semblent être beaucoup plus de nature à permettre d’atteindre les objectifs : Relance de l’épargne nationale, réévaluation du dinar et dynamisation du marché de change. C’est qu’ont déclaré les experts en économie et les acteurs du secteur bancaire.
Slim Besbes, ancien ministre des Finances et membre de la commission des finances à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), s’est félicité de la décision de la Banque centrale d’augmenter le taux d’intérêt directeur. « Il s’agit d’une mesure qui vient en réaction à l’aggravation du déficit de la balance commerciale, au glissement du dinar tunisien par rapport aux monnaies étrangères et la détérioration du taux de l’épargne nationale« , a-t-il expliqué à Africanmanager.
Augmenter le taux directeur de la BCT ne peut avoir qu’un effet positif, surtout sur la relance de la consommation et l’augmentation du taux de l’épargne nationale, laquelle est actuellement estimée à seulement 11% contre 21% avant la Révolution, nous a confié l’ancien ministre.
Slim Besbes a toutefois démenti le fait que la décision de la Banque centrale aura un effet négatif sur le rééchelonnement des crédits de l’investissement, estimant que cela n’a aucun impact nocif direct. Il a par ailleurs indiqué que devant un taux d’inflation assez important, le taux d’intérêt reste nul, soulignant toutefois que cela reste toujours meilleur qu’auparavant, quand le taux était négatif.
En outre, le membre de la commission des finances à l’ARP s’est réjoui de l’injection par la Banque centrale d’une somme importante, l’équivalent de deux jours d’importation pour réguler le marché de change, renflouer le dinar et répondre à cette demande massive d’importation de devises. Signalons à ce propos que la Banque centrale avait injecté au cours de la semaine dernière 100 millions de dollars pour une seule journée.
« C’est là sans doute un pas dans la bonne direction. Mais c’est trop peu et trop tard. Le taux d’intérêt réel (taux d’intérêt nominal, taux d’inflation) demeure malgré cette augmentation négatif« . C’est ce qu’a indiqué Ezzedine Saidane, expert en économie, dans un statut posté sur sa page Facebook. « Le taux d’intérêt nominal est de 4,75% et le taux d’inflation (sous-jacente) est en moyenne de 6%. Le taux d’intérêt réel est donc de 1,25%. Le taux d’intérêt réel est le prix du capital. Un prix négatif aboutit inévitablement à un gaspillage. Cela fait plusieurs années que nous gaspillons effectivement du capital, et nous rémunérons négativement toutes les formes d’épargne bancaire, alors que le pays vit la plus grande crise de liquidité et de rareté du capital de son histoire, depuis l’indépendance« , a-t-il expliqué.
Saidane a toutefois indiqué que le taux d’intérêt réel négatif n’a pas seulement été à l’origine d’un gaspillage important du capital, il a surtout découragé et réduit gravement l’épargne nationale. Cette épargne qui permet de financer les investissements et générer de la croissance économique est passée de plus de 22% du PIB (Produit Intérieur Brut) en 2010 à 11% du PIB actuellement. « Au lieu de corriger le taux d’intérêt à la hausse, la BCT l’a réduit à plusieurs reprises depuis 2011. Le prétexte avancé est de promouvoir l’investissement. Ce prétexte est faux. En situation de difficultés économiques, et encore plus en situation de crise l’investissement ne dépend pas du niveau du taux d’intérêt. Il dépend de la situation sécuritaire, de l’environnement social, des perspectives de croissance économique, etc« , a-t-il assuré.
« Je comprends que ceux qui ont des crédits en cours (particuliers ou entreprises) vont devoir supporter des frais financiers plus importants. Il faut cependant noter que le redressement de l’économie et la relance de l’investissement et de la croissance sont de loin plus importants (pour les particuliers et les entreprises). La politique monétaire, dont les composantes principales sont la politique de taux d’intérêt, la politique de taux de change et la supervision du système bancaire et financier, est du ressort de la BCT. La politique monétaire est d’une importance primordiale en matière de gestion de l’économie, et surtout en temps de crise.J’espère que la BCT va user de son indépendance pour nous faire une bonne politique monétaire et contribuer ainsi au redressement de l’économie en continuant à corriger le taux d’intérêt, le taux de change et à améliorer l’état de santé de notre système bancaire« , a-t-il ajouté.