Une rencontre-débat, organisée par l’Aject (Association des jeunes experts comptables de Tunisie ) et consacrée à l’examen du projet de nouveau code d’investissement, s’est tenue le jeudi 25 juin 2015 dernier, avec la participation d’une pléiade de jeunes promoteurs, d’experts comptables et d’économistes, qui ont analysé les 25 articles de ce nouveau texte, qui devrait être examiné et adopté avant la fin de l’année en cours par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
C’est Faiçal Derbel, président d’honneur de l’Ordre des experts comptables tunisiens (OECT) qui a donné le coup d’envoi par une lecture critique du texte, dans sa version du 22 mai 2015, tel qu’examiné par le Conseil du gouvernement.
Son intervention a porté sur 3 axes: une présentation descriptive, une évaluation mettant en relief les points forts du document, les pistes d’amélioration et enfin quelques recommandations.
Le nouveau texte, qui a été raccourci et simplifié, se compose de 7 pages et 25 articles répartis en 5 chapitres : Dispositions générales, Accès aux marchés, Garanties et obligations, Gouvernance de l’investissement et Résolution des conflits.
Tout en faisant remarquer que le nouveau texte renvoie à 2 lois, 4 décrets et 1 arrêté, M. Derbel a souligné qu’il constitue plutôt un cadre conceptuel pour l’investissement, plus proche d’une charte que d’un code, si on le compare avec d’autres textes similaires, comme celui du Maroc (25 articles, 7pages) ou de la Malaisie (55 articles, 110 pages ).
«Aucune commune mesure avec le texte en vigueur auquel on reproche la complexité des dispositifs réglementaires», a cependant tenu à préciser M. Derbel, qui a passé en revue les points forts du nouveau texte, notamment la facilitation des démarches faisant éviter à l’investisseur les lenteurs administratives (un dossier présenté sous forme de liasse comportant les différents documents requis a droit à une réponse rapide dans un délai ne dépassant pas 24 heures) et le mécanisme rapide et efficace dans la résolution des litiges.
Côté pistes d’amélioration, le conférencier a mis l’accent sur la création du Fonds Tunisien de l’Investissement prévu par le nouveau texte et qui entraine systématiquement la fusion de tous les organismes en place ayant trait à l’investissement (ils sont au nombre de 9 au niveau central et de 200 à l’échelle régionale), avec ce qui résultera comme perturbations et/ou résistances.
L’expert comptable a évoqué, en outre, l’absence de dispositions relatives à l’écologie, à l’économie d’énergie, à l’emploi (dans un pays qui compte pas moins de 700.000 chômeurs, dont 250.000 diplômés), à la compétitivité, aux activités de soutien, à l’internationalisation de l’entreprise, alors qu’on dispose de tous les atouts pour faire de la Tunisie «la capitale de l’enseignement supérieur privé en Afrique francophone», a-t-il souligné, faisant savoir qu’«un étudiant étranger rapporte autant que 80 touristes».
Malgré les insuffisances qu’on peut reprocher à ce texte, M. Derbel a recommandé d’accélérer le processus de son approbation, sachant que les bailleurs de fonds de la Tunisie ont fixé une date butoir pour sa finalisation et son adoption définitive : la fin de 2015.
Hichem Ben Fadhl, conseiller auprès du ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, a fait remarquer que la promulgation du nouveau code d’investissement est une priorité majeure pour le gouvernement et qu’il constitue l’élément d’une stratégie globale de réforme visant à reconstruire le système économique et social du pays.
«Le mérite du nouveau texte réside dans la suppression des autorisations et le désengagement de l’Etat, en ce sens qu’il sépare entre la gouvernance de l’investisseur et le rôle de l’Etat», a-t-il dit. Et d’ajouter : «On essaie, à travers la création du Fonds Tunisien de l’Investissement, de coordonner les efforts de tous les organismes concernés en vue de garantir la cohérence de la stratégie de l’Etat et instituer, en front office, un seul vis-à-vis avec l’investisseur».
Le débat fut si riche que la séance a été levée à une heure assez tardive. Plusieurs questions de grande pertinence ont été posées par l’assistance: Comment peut-on appliquer le nouveau code d’investissement en l’absence d’une réforme fiscale? Pourquoi supprimer la notion d’incitation à l’investissement? La problème dans les zones de développement régional réside-t-elle dans l’investissement en tant que tel ou dans les spécificités de chaque région? Comment peut-on éliminer les autorisations tout en soumettant, en définitive, le dossier à l’appréciation des administrations concernées ? N’y a-t-il pas là un risque de corruption?