Tout a commencé par une collision entre un camion transportant du phosphate et un train transportant le même produit. L’accident, qui a eu lieu ces jours-ci, dans la zone d’Om Lakhchab à Métlaoui, a causé le décès du chauffeur du camion et du convoyeur du train.
Ce drame aurait pu être évité si le conducteur du camion avait attendu le passage du train, mais son impatience lui a coûté la mort tout autant que celle du convoyeur.
Néanmoins l’accident n’est pas un simple fait divers. Il vient jeter la lumière sur la problématique du transport du phosphate et sur le climat de tension qui règne entre les transporteurs privés de phosphate (camionneurs) et les agents de la Société de transport de phosphate dans le bassin minier, une filiale de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG).
Pour comprendre cette problématique, il faut remonter un peu plus loin dans l’histoire.
Au temps de Ben Ali, les responsables de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG) sous-traitent le transport de phosphate avec des camionneurs privés lesquels employaient des intérimaires.
Après le soulèvement du 14 janvier 2011, ces intérimaires, au nombre de 1.600 environ, ont été intégrés dans la Société de transport de phosphate dans le bassin minier, une filiale à 100% de la CPG spécialisée dans le transport de phosphate entre les carrières et les lavoirs.
Cette intégration, qui a eu pour corollaire une amélioration significative des salaires et l’acquisition des équipements utilisés jadis par les camionneurs privés, a coûté à la CPG 45 MDT.
Malheureusement, le matériel roulant et les équipements acquis par cette société ont fait l’objet d’actes de sabotage, au cours des cinq dernières années, ce qui a poussé l’entreprise mère, la CPG, à arrêter un plan de redressement de la situation financière de la société sur deux ans (2016-2017).
En vertu de ce plan, la CPG a fourni sa garantie à sa filiale pour l’acquisition de nouveaux équipements.
Ainsi, la nouvelle filiale a acquis, depuis le mois de septembre 2016, 50 camions neufs.
Les camionneurs privés ne sont pas du goût des agents de la CPG
Les choses n’ont toutefois pas évolué normalement. Les syndiqués de cette filiale, qui sont des anciens intérimaires, ont intensifie, depuis ces dernières mois, les mouvements sociaux et les arrêts de travail, pour réclamer le contrôle du transport du phosphate, dans et en dehors, du bassin minier.
Ils ne veulent plus se contenter du transport de phosphate par camions dans le bassin minier mais également celui du phosphate par camions en dehors du bassin minier, c’est-à-dire vers les usines du Groupe chimique tunisien (GCT) pour sa transformation en produits destinés à l’exportation (acide phosphorique) et à la consommation locale (engrais).
A cette fin, les travailleurs de cette société, soutenus par leur syndicat, veulent avoir leur mot dans les appels d’offres; en vertu de leurs résultats, les camionneurs privés seront autorisés à transporter le phosphate des lavoirs vers les usines.
La raison est simple, le transport par camion en dehors du bassin minier est mieux rémunéré.
Actuellement, il y a un contrat pour le transport de 300.000 tonnes de phosphate par camion qui ne peut pas être concrétisé en raison des protestations des syndiqués de la Société de transport de phosphate. Les appels d’offres pour 2017 sont également bloqués.
Des camions en attendant les nouvelles locomotives
Reste à savoir pourquoi on a besoin de camions pour transporter le phosphate alors que ce produit a été transporté par voie ferroviaire depuis la découverte des premiers gisements.
La réponse de la CPG est claire: le parc des locomotives est insuffisant, faible et obsolète. L’âge moyen des locomotives est de 33 ans. Les trains disponibles ne peuvent transporter, en moyenne et par jour que des quantités inférieures à 10.000 tonnes, soit environ 8 à 9.000 tonnes par jour, sur un total transporté, quotidiennement, de 18.000 tonnes, ce qui est insuffisant pour faire fonctionner à plein régime et dans des conditions acceptables les usines du Groupe chimique.
Conséquence: les usines fonctionnent à hauteur de 30 à 35% de leur capacité, ce qui est préjudiciable aux usines du Groupe chimique en ce sens où l’alternance des arrêts et des relances de production occasionnent des dommages aux équipements.
Moralité: le parc ferroviaire ne satisfait pas les besoins. Des contrats ont été conclus récemment avec des firmes étrangères pour acquérir, d’ici deux ans, de nouvelles locomotives.
En attendant, la CPG a opté pour le transport du phosphate par camions même si à moyen terme elle envisage d’arrêter définitivement le transport du phosphate par voie routière. Elle ne peut le faire, malheureusement, que d’ici fin 2017.
Une solution en vue
Selon nos informations, des pourparlers sont en cours entre la CPG, le syndicat de la Société de transport de phosphate dans le bassin minier et le gouvernement.
D’après la ministre des Mines, de l’Energie et des Energies renouvelables, Hela Cheikhrouhou, le gouvernement et le groupe CPG-CGT ont concocté un projet de solution qu’ils vont examiner dans les jours qui viennent avec les syndicats. Espérons…