La crise de liquidité et les déséquilibres qui en découlent ne cessent d’aggraver la situation financière de la Tunisie, qui peine à en sortir. Depuis plusieurs mois, voire depuis le début de l’année, nos experts tirent la sonnette d’alarme sur la détérioration des principaux indicateurs économiques dont principalement les avoirs nets en devise. Un avis pleinement partagé par la Banque centrale, laquelle a, à son tour, alerté contre l’épuisement de la liquidité en devises après celle du dinar.
“L’État emprunte massivement en Dinars aux banques tunisiennes. Cependant les banques ne disposent pas des liquidités nécessaires pour cela. Plus encore le système bancaire tunisien vit une situation de «liquidity crunch» et donc de crise de liquidité sans précédent dans l’histoire du pays. Cette situation a fait que la Banque Centrale (BCT) injecte des liquidités (planche à billets) qui ont pointé récemment à plus de 10 milliards de Dinars. Il s’agit là de déséquilibres graves. Une autre conséquence de cette situation est ce qu’on appelle «effet d’éviction» en ce sens que l’État pompe toute la liquidité et les entreprises n’arrivent pas à obtenir les financements nécessaires à leur activité économique“. C’est ce qu’a écrit l’expert en économie Ezzedine Saîdane dans un statut posté ce lundi 10 juillet sur sa page Facebook.
Il a par ailleurs assuré que la semaine dernière, l’État tunisien est passé à un autre palier. Après avoir épuisé la liquidité en Dinars, l’État se met à pomper la liquidité en devises. En effet 13 banques opérant en Tunisie (banques résidentes et non résidentes) ont ensemble prêté à l’État tunisien 250 millions d’Euros (700 millions Dinars environ) sur trois années. Ce nouveau crédit sert à couvrir les besoins du budget de l’État pour 2017 et donc les dépenses courantes de l’État, et certainement pas les investissements. En effet on ne peut pas financer des investissements de l’État sur trois années.
“Est-ce maintenant le tour de la liquidité en devises. L’effet d’éviction va s’aggraver. On pompe la liquidé en Dinars en faisant fonctionner la planche à billets, et on ajoute à cela le pompage des liquidités en devises. Et après !!!“, a-t-il fait remarquer.
Saidane a par ailleurs ajouté que l’État tunisien vient d’emprunter sur le marché financier international 850 millions d’Euros avec un taux d’intérêt de 6%. Donc le même État (même emprunteur et donc même risque) emprunte en Euros (donc même monnaie) à 6% auprès des institutions financières étrangères et à 2% auprès des institutions financières locales (ou 2,25% lorsque le remboursement se fait en une seule échéance à la fin des trois années). Où est la logique financière dans tout cela, même si la durée des deux crédits n’est pas la même ? Est-ce que les banques étrangères et les banques locales ont des appréciations tellement différentes du risque Tunisie ? Qui a tort et qui a raison ? “Je ne pense pas que les institutions financières étrangères se soient trompées dans l’appréciation du risque Tunisie. Je pense plutôt que le taux d’intérêt (2 ou 2,25%) a tout simplement été imposé aux banques tunisiennes” a ajouté l’expert.
“Au lieu d’engager une véritable opération de sauvetage de l’économie, les autorités tunisiennes continuent de recourir à des solutions de rafistolage“, a-t-il dit.
Il convient de signaler à ce propos que les avoirs nets en devises ont atteint à la date du 7 juillet de cette année 12.646 MDT, soit 101 jours d’importation, un chiffre qui demeure en deçà des prévisions et des attentes des acteurs économiques eu égard aux sommes colossales injectées par la Banque centrale pour réguler le marché. Le volume global de refinancement a toutefois atteint jusqu’à la date du 10 juillet de cette année 10.164 MDT.
Par ailleurs, selon les indicateurs monétaires et financiers récemment publiés par la BCT, les avoirs en devises ont chuté de 12.343 MD (112 jours d’importation) à mi-juin 2016 à 12.301 MD (99 jours d’importation) actuellement.
Ainsi, la Tunisie se situe sur le seuil d’insécurité en termes de réserves en devises, étant donné que ce seuil est normalement fixé, selon les spécialistes, à 110 jours d’importation.